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LES ROUGON-MACQUART.

égaux, mettait un temps infini à trouver le trou de l’aiguille ; et elle n’arrivait que juste, sa mère usait une à une les aiguillées qu’elle lui préparait.

— Tu vois, murmura-t-elle, ça va plus vite… Ce soir, mes six petits bonnets seront terminés.

Et elle se tourna pour regarder la pendule. Une heure dix minutes. Encore près de deux heures. Maintenant, Juliette devait commencer à s’habiller. Henri avait reçu la lettre. Oh ! certainement, il irait. Les indications étaient précises, il trouverait tout de suite. Mais ces choses lui semblaient très-loin encore et la laissaient froide. Elle cousait à points réguliers, avec une application d’ouvrière. Les minutes, une à une, s’écoulaient. Deux heures sonnèrent.

Un coup de sonnette l’étonna.

— Qui est-ce donc, petite mère ? demanda Jeanne, qui avait tressailli sur sa chaise.

Et comme M. Rambaud entrait :

— C’est toi !… Pourquoi sonnes-tu si fort ? Tu m’as fait peur.

Le digne homme parut consterné. Il avait eu la main un peu lourde, en effet.

— Je ne suis pas gentille aujourd’hui, j’ai mal, continuait l’enfant. Il ne faut pas me faire peur.

M. Rambaud s’inquiéta. Qu’avait donc la pauvre chérie ? Et il ne s’assit, rassuré, qu’en apercevant Hélène lui adresser un léger signe, pour l’avertir que l’enfant était dans ses noirs, comme disait Rosalie. D’ordinaire, il venait très-rarement dans la journée. Aussi voulut-il expliquer tout de suite sa visite. C’était pour un compatriote, un vieil ouvrier qui ne trouvait plus de travail, à cause de son grand âge, et qui avait sa femme paralytique, dans une petite chambre, grande comme la main. On ne se figurait pas une pa-