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UNE PAGE D’AMOUR.

peur d’éclater tout d’un coup en paroles passionnées. Elle était donc lâche ?

Une porte s’était ouverte, elle entendit tout d’un coup la voix d’Henri qui disait :

— Ne vous dérangez pas… Je passe seulement.

La répétition allait finir. Juliette, qui lisait toujours le rôle de Chavigny, venait de saisir la main de madame de Guiraud.

— « Ernestine, je vous adore ! » cria-t-elle, dans un élan plein de conviction.

— « Vous n’aimez donc plus madame de Blainville ? » récita madame de Guiraud.

Mais Juliette refusa de continuer, tant que son mari resterait là. Les hommes n’avaient pas besoin de savoir. Alors, le docteur se montra très-aimable pour ces dames ; il les complimenta, il leur promit un grand succès. Ganté de noir, très-correct avec son visage rasé, il rentrait de ses visites. En arrivant, il avait simplement salué Hélène d’un petit signe de tête. Lui, avait vu, à la Comédie-Française, une très-grande actrice dans le rôle de madame de Léry ; et il indiquait à madame de Guiraud des jeux de scène.

— Au moment où Chavigny va tomber à vos pieds, vous vous approchez de la cheminée, vous jetez la bourse au feu. Froidement, n’est-ce pas ? sans colère, en femme qui joue l’amour…

— Bon, bon, laisse-nous, répétait Juliette. Nous savons tout ça.

Et, comme il poussait enfin la porte de son cabinet, elle reprit le mouvement.

— « Ernestine, je vous adore ! »

Henri, avant de sortir, avait salué Hélène du même signe de tête. Elle était restée muette, s’attendant à quelque catastrophe. Ce brusque passage du mari lui