Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
LES ROUGON-MACQUART.

lement, la dernière phrase de la vieille femme l’étonna. Certes, non, elle ne remettrait pas les pieds dans cette maison. Elle n’avait plus d’aumônes à y porter. Pourquoi donc aurait-elle frappé à la cuisine ? À présent, elle était satisfaite, elle avait vu. Et elle éprouvait un mépris contre elle et contre les autres. Quelle vilenie d’être allée là ! Les deux chambres, avec leur cretonne, reparaissaient sans cesse devant ses yeux ; elle en avait emporté dans un regard les moindres détails, jusqu’à la place occupée par les sièges et aux plis des rideaux qui drapaient le lit. Mais, toujours, à la suite, les trois autres petites pièces, les pièces sales, vides et abandonnées, défilaient ; et cette vision, ces murs lépreux cachés sous les Amours joufflus, soulevaient en elle autant de colère que de dégoût.

— Ah bien ! madame, cria Rosalie, qui guettait dans l’escalier, le dîner sera bon ! Voilà une demi-heure que tout brûle.

Jeanne, à table, accabla sa mère de questions. Où était-elle allée ? qu’avait-elle fait ? Puis, comme elle ne recevait que des réponses brèves, elle s’égaya toute seule en jouant à la dînette. Près d’elle, sur une chaise, elle avait assis sa poupée. Fraternellement, elle lui passait la moitié de son dessert.

— Surtout, mademoiselle, mangez proprement… Essuyez-vous donc… Oh ! la petite sale, elle ne sait pas seulement mettre sa serviette… Là, vous êtes belle… Tenez, voici un biscuit. Qu’est-ce que vous dites ? Vous voulez de la confiture dessus ?… Hein ! c’est meilleur comme ça… Laissez-moi vous peler votre quartier de pomme…

Et elle posait la part de la poupée sur la chaise. Mais, lorsque son assiette fut vide, elle reprit une à