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LES ROUGON-MACQUART.

— Oh ! maman, murmura l’enfant, subitement chagrine, oh ! maman… Il pleut, il fait trop laid…

— Alors, tu n’auras pas à déjeuner… Débarbouillez-la, Rosalie.

D’ordinaire, c’était elle qui veillait à ce soin. Mais elle éprouvait un véritable malaise, elle se serrait contre la flamme, grelottante, bien que le temps fût très-doux. Rosalie venait d’approcher de la cheminée le guéridon, sur lequel elle avait mis une serviette et posé deux bols de porcelaine blanche. Devant le feu, le café au lait, dans une bouillotte d’argent, un cadeau de M. Rambaud, frémissait. À cette heure matinale, la chambre défaite, assoupie encore et pleine du désordre de la nuit, avait une intimité souriante.

— Maman, maman ! criait Jeanne du fond du cabinet, elle me frotte trop fort, ça m’écorche… Oh ! la, la, que c’est froid !

Hélène, les yeux fixés sur la bouillotte, rêvait profondément. Elle voulait savoir, elle irait. Cela l’irritait et la troublait, de penser au mystère du rendez-vous, dans ce coin sordide de Paris. Elle trouvait ce mystère d’un goût détestable, elle reconnaissait l’esprit de Malignon, une imagination de roman, une toquade de faire revivre à bon compte les petites maisons de la Régence. Et pourtant, malgré ses répugnances, elle restait enfiévrée, attirée, les sens occupés du silence et du demi-jour qui devaient régner dans la chambre rose.

— Mademoiselle, répétait Rosalie, si vous ne vous laissez pas faire, je vais appeler madame…

— Tiens ! tu me mets du savon dans les yeux, répondait Jeanne, dont la voix était grosse de larmes.