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UNE PAGE D’AMOUR.

en compliments, tandis que Malignon reparaissait au milieu des dames, son monocle dans l’œil. Hélène resta toute pâle des paroles rapides qu’elle venait de surprendre. C’était un coup de foudre pour elle, quelque chose d’inattendu et de monstrueux. Comment cette femme si heureuse, d’un visage si calme, aux joues blanches et reposées, pouvait-elle trahir son mari ? Elle lui avait toujours connu une cervelle d’oiseau, une pointe d’égoïsme aimable qui la gardait contre les ennuis d’une sottise. Et avec un Malignon encore ! Brusquement, elle revit les après-midi du jardin, Juliette souriante et affectueuse sous le baiser dont le docteur effleurait ses cheveux. Ils s’aimaient pourtant. Alors, par un sentiment qu’elle ne s’expliqua pas, elle fut pleine de colère contre Juliette, comme si elle venait d’être personnellement trompée. Cela l’humiliait pour Henri, une fureur jalouse l’emplissait, son malaise se lisait si clairement sur sa face, que mademoiselle Aurélie lui demanda :

— Qu’est-ce que vous avez ?… Vous êtes souffrante ?

La vieille demoiselle s’était assise près d’elle, en l’apercevant seule. Elle lui témoignait une vive amitié, charmée de la façon complaisante dont cette femme si grave et si belle écoutait pendant des heures ses commérages.

Mais Hélène ne répondit pas. Elle avait un besoin, celui de voir Henri, de savoir à l’instant ce qu’il faisait, quelle figure il avait. Elle se souleva, le chercha dans le salon, finit par le trouver. Il causait, debout devant un gros homme blême, et il était bien tranquille, l’air satisfait, avec son sourire fin. Un moment, elle l’examina. Elle éprouvait