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UNE PAGE D’AMOUR.

père pour votre Jeanne et qui vous rendra à toute votre loyauté.

— Mais je ne l’aime pas… Mon Dieu ! je ne l’aime pas…

— Vous l’aimerez, ma fille… Il vous aime et il est bon.

Hélène se débattait, baissait la voix, en entendant le petit bruit que M. Rambaud faisait derrière eux. Il était si patient et si fort, dans son espoir, que, depuis six mois, il ne l’avait pas importunée une seule fois de son amour. Il attendait avec une tranquillité confiante, naturellement prêt aux abnégations les plus héroïques. L’abbé fit le mouvement de se tourner.

— Voulez-vous que je lui dise tout ?… Il vous tendra la main, il vous sauvera. Et vous le comblerez d’une joie immense.

Elle l’arrêta, éperdue. Son cœur se révoltait. Tous deux l’effrayaient, ces hommes si paisibles et si tendres, dont la raison gardait cette froideur, à côté des fièvres de sa passion. Dans quel monde vivaient-ils donc, pour nier ainsi ce dont elle souffrait tant ? Le prêtre eut un geste large de la main, montrant les vastes espaces.

— Ma fille, voyez cette belle nuit, cette paix suprême en face de votre agitation… Pourquoi refusez-vous d’être heureuse ?

Paris entier était allumé. Les petites flammes dansantes avaient criblé la mer des ténèbres d’un bout de l’horizon à l’autre, et maintenant leurs millions d’étoiles brûlaient avec un éclat fixe, dans une sérénité de nuit d’été. Pas un souffle de vent, pas un frisson n’effarait ces lumières qui semblaient comme suspendues dans l’espace. Paris, qu’on ne voyait pas,