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LES ROUGON-MACQUART.

planète, presque au ras de l’horizon, luisait comme une escarboucle, tandis qu’une poussière d’étoiles presque invisibles sablait la voûte d’un sable pailleté d’étincelles. Le Chariot, lentement, tournait, son brancard en l’air.

— Tenez, dit-elle à son tour, cette petite étoile bleue, dans ce coin du ciel, je la retrouve tous les soirs… Mais elle s’en va, elle recule chaque nuit.

Maintenant, l’abbé ne la gênait point. Elle le sentait à son côté, comme une paix de plus. Ils échangèrent quelques paroles espacées par de longs silences. À deux reprises, elle le questionna sur des noms d’étoiles ; toujours la vue du ciel l’avait tourmentée. Mais il hésitait, il ne savait pas.

— Vous voyez, demandait-elle, cette belle étoile qui a un éclat si pur ?

— À gauche, n’est-ce pas ? disait-il, près d’une autre moins grosse, verdâtre… Il y en a trop, j’ai oublié.

Ils se turent, les yeux toujours levés, éblouis et pris d’un léger frisson en face de ce fourmillement d’astres qui grandissait. Derrière les milliers d’étoiles, d’autres milliers d’étoiles apparaissaient, et cela sans cesse, dans la profondeur infinie du ciel. C’était un continuel épanouissement, une braise attisée de mondes brûlant du feu calme des pierreries. La voie lactée blanchissait déjà, développait ses atomes de soleil si innombrables et si lointains, qu’ils ne sont plus, à la rondeur du firmament, qu’une écharpe de lumière.

— Cela me fait peur, dit Hélène à voix très-basse.

Et elle pencha la tête pour ne plus voir, elle ramena ses regards sur le vide béant où Paris semblait s’être englouti. Là, pas une lueur encore, la nuit com-