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UNE PAGE D’AMOUR.

— Pourquoi en aime-t-il d’autres ?… Je ne veux pas…

Et son regard noir devint dur, tandis que ses petites mains tendues caressaient les épaules de sa mère. Celle-ci voulut se récrier ; mais elle eut peur des paroles qui lui venaient aux lèvres. Le soleil baissait ; toutes deux remontèrent. Cependant, Zéphyrin avait reparu, avec un bouquet de persil, qu’il épluchait en lançant à Rosalie des regards assassins. La bonne, à distance, se méfiait, maintenant qu’il n’y avait plus personne ; et comme il la pinçait, au moment où elle se baissait pour rouler la couverture, elle lui appliqua un coup de poing dans le dos, qui rendit un bruit de tonneau vide. Cela le remplit d’aise. Il en riait encore en dedans, lorsqu’il rentra dans la cuisine, épluchant toujours son persil.

À partir de ce jour, Jeanne mit une obstination à descendre dans le jardin, dès qu’elle y entendait la voix de madame Deberle. Elle écoutait avidement les cancans de Rosalie sur le petit hôtel voisin, s’inquiétant de la vie qu’on y menait, s’échappant de la chambre parfois et venant elle-même guetter à la fenêtre de la cuisine. En bas, enfoncée dans un petit fauteuil que Juliette lui faisait apporter du salon, elle paraissait surveiller la famille, réservée avec Lucien, impatiente de ses questions et de ses jeux, surtout lorsque le docteur était là. Alors, elle s’allongeait, comme lasse, les yeux ouverts, regardant. C’était pour Hélène une grande souffrance que ces après-midi. Elle revenait pourtant, elle revenait malgré les révoltes de tout son être. Chaque fois qu’Henri, à son retour, mettait un baiser sur les cheveux de Juliette, elle avait un élancement au cœur. Et, à ces moments-là, si, pour cacher son visage bouleversé, elle feignait