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UNE PAGE D’AMOUR.

— Pardi ! on fait prendre l’air aux appartements, disait Rosalie, pour l’engager à descendre. Quand je vous jure qu’il n’y a personne !

Ce jour-là, le temps était plus chaud encore. Une grêle de flèches d’or criblait les feuillages. Jeanne, qui commençait à devenir forte, marcha pendant près de dix minutes, appuyée au bras de sa mère. Puis, fatiguée, elle revint sur sa couverture, en faisant à Hélène une petite place. Toutes deux se souriaient, amusées de se voir ainsi par terre. Zéphyrin, qui avait fini de ratisser, aidait Rosalie à cueillir du persil, dont des touffes perdues poussaient le long de la muraille du fond.

Tout à coup, il y eut un grand bruit dans l’hôtel ; et, comme Hélène songeait à se sauver, madame Deberle parut sur le perron. Elle arrivait, en robe de voyage, parlant haut, très-affairée. Mais, quand elle aperçut madame Grandjean et sa fille par terre, devant la pelouse, elle se précipita, les combla de caresses, les étourdit de paroles.

— Comment ! c’est vous !… Ah ! que je suis heureuse de vous voir !… Embrasse-moi, ma petite Jeanne. Tu as été bien malade, n’est-ce pas, mon pauvre chat ? Mais ça va mieux, te voilà toute rose… Que de fois j’ai pensé à vous, ma chère ! Je vous ai écrit, vous avez reçu mes lettres ? Vous avez dû passer des heures bien terribles. Enfin, c’est fini… Voulez-vous me permettre de vous embrasser ?

Hélène s’était mise debout. Elle dut se laisser poser deux baisers sur les joues et les rendre. Ces caresses la glaçaient, elle balbutiait :

— Vous nous excuserez d’avoir envahi votre jardin.

— Vous voulez rire ! reprit impétueusement Juliette. N’êtes-vous pas ici chez vous ?