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UNE PAGE D’AMOUR.

lesquelles des mots qu’elle ne comprenait pas la faisaient devenir toute rouge d’orgueil. L’uniforme ne le gênait plus ; il jetait les bras à se les décrocher, d’un air crâne ; il avait surtout une façon de porter son shako sur la nuque, qui découvrait sa face ronde, le nez en avant, tandis que le shako, mollement, accompagnait le roulis du corps. Puis, il s’émancipait, buvait la goutte, prenait la taille au sexe. Bien sûr qu’il en savait plus long qu’elle, maintenant, avec ses manières de ricaner et de ne pas en dire davantage. Paris le dégourdissait trop. Et, ravie, furieuse, elle se plantait devant lui, hésitant entre les deux envies de le griffer ou de se laisser dire des bêtises.

Cependant, Zéphyrin, en ratissant, avait tourné l’allée. Il se trouvait derrière un grand fusain, lançant à Rosalie des œillades obliques, pendant qu’il semblait l’amener contre lui, à petits coups, avec son râteau. Quand elle fut tout près, il la pinça rudement à la hanche.

— Crie pas, c’est comme je t’aime ! murmura-t-il en grasseyant. Et mets ça par-dessus !

Il la baisait au petit bonheur, sur l’oreille. Puis, comme Rosalie, à son tour, le pinçait au sang, il lui colla un autre baiser, sur le nez cette fois. Elle était écarlate, bien contente au fond, exaspérée de ne pouvoir lui allonger un soufflet, à cause de mademoiselle.

— Je me suis piquée, dit-elle en revenant près de Jeanne, pour expliquer le léger cri qu’elle avait jeté.

Mais l’enfant avait vu la scène, au travers des branches grêles du fusain. Le pantalon rouge et la chemise du soldat faisaient une tache vive dans la ver-