Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
UNE PAGE D’AMOUR.

couche. Mais l’enfant ne les séparait pas, les rapprochait au contraire, ajoutait de son innocence à leur première soirée d’amour. Tous deux goûtaient un apaisement, après les longs jours d’angoisse qu’ils venaient de passer. Enfin, ils se retrouvaient, côte à côte, avec leurs cœurs plus largement ouverts ; et ils comprenaient bien qu’ils s’aimaient davantage, dans ces terreurs et ces joies communes, dont ils sortaient frissonnants. La chambre devenait complice, si tiède, si discrète, emplie de cette religion qui met son silence ému autour du lit d’un malade. Hélène, par moments, se levait, allait sur la pointe des pieds chercher une potion, remonter la lampe, donner un ordre à Rosalie ; pendant que le docteur, qui la suivait des yeux, lui faisait signe de marcher doucement. Puis, quand elle se rasseyait, ils échangeaient un sourire. Ils ne disaient pas une parole, ils s’intéressaient à Jeanne seule, qui était comme leur amour lui-même. Mais, parfois, en s’occupant d’elle, lorsqu’ils remontaient la couverture ou qu’ils lui soulevaient la tête, leurs mains se rencontraient, s’oubliaient un instant l’une près de l’autre. C’était la seule caresse, involontaire et furtive, qu’ils se permettaient.

— Je ne dors pas, murmurait Jeanne, je sais bien que vous êtes là.

Alors, ils s’égayaient de l’entendre parler. Leurs mains se séparaient, ils n’avaient pas d’autres désirs. L’enfant les satisfaisait et les calmait.

— Tu es bien, ma chérie ? demandait Hélène, quand elle la voyait remuer.

Jeanne ne répondait pas tout de suite. Elle parlait comme dans un rêve.