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LES ROUGON-MACQUART.

— Elle est sauvée.

— Elle est sauvée…, elle est sauvée…, répétait Hélène, bégayante, inondée d’une telle joie, qu’elle avait glissé par terre, près du lit, regardant sa fille, regardant le docteur d’un air fou.

Et, d’un mouvement violent, elle se leva, elle se jeta au cou d’Henri.

— Ah ! je t’aime ! s’écria-t-elle.

Elle le baisait, elle l’étreignait. C’était son aveu, cet aveu si longtemps retardé, qui lui échappait enfin, dans cette crise de son cœur. La mère et l’amante se confondaient, à ce moment délicieux ; elle offrait son amour tout brûlant de sa reconnaissance.

— Je pleure, tu vois, je puis pleurer, balbutiait-elle. Mon Dieu ! que je t’aime, et que nous allons être heureux !

Elle le tutoyait, elle sanglotait. La source de ses larmes, tarie depuis trois semaines, ruisselait sur ses joues. Elle était demeurée entre ses bras, caressante et familière comme un enfant, emportée dans cet épanouissement de toutes ses tendresses. Puis, elle retomba à genoux, elle reprit Jeanne pour l’endormir contre son épaule ; et, de temps à autre, pendant que sa fille reposait, elle levait sur Henri des yeux humides de passion.

Ce fut une nuit de félicité. Le docteur resta très-tard. Allongée dans son lit, la couverture au menton, sa fine tête brune au milieu de l’oreiller, Jeanne fermait les yeux sans dormir, soulagée et anéantie. La lampe, posée sur le guéridon que l’on avait roulé près de la cheminée, n’éclairait qu’un bout de la chambre, laissant dans une ombre vague Hélène et Henri, assis à leurs places habituelles, aux deux bords de l’étroite