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LES ROUGON-MACQUART.

fer la serrait aux épaules. Mais elle se faisait brave, elle retenait les légers cris que lui arrachaient des douleurs lancinantes dans le cou. Un moment, elle s’oublia, la tête trop lourde, se rapetissant sous la souffrance. Et sa mère, en la voyant maigrie, si faible et si adorable, ne put achever la poire qu’elle s’efforçait de manger. Des sanglots l’étranglaient. Elle laissa tomber sa serviette, vint prendre Jeanne entre ses bras.

— Mon enfant, mon enfant…, balbutiait-elle, le cœur crevé par la vue de cette salle à manger, où la petite l’avait si souvent égayée de sa gourmandise, lorsqu’elle était bien portante.

Jeanne se redressait, tâchait de retrouver son sourire.

— Ne te tourmente pas, ce ne sera rien, bien vrai… Maintenant que tu as fini, tu vas me recoucher… Je voulais te voir à table, parce que je te connais, tu n’aurais pas avalé gros comme ça de pain.

Hélène l’emporta. Elle avait roulé son petit lit près du sien, dans la chambre. Quand Jeanne fut allongée, couverte jusqu’au menton, elle se trouva beaucoup mieux. Elle ne se plaignait plus que de douleurs sourdes, derrière la tête. Puis, elle s’attendrit, son affection passionnée paraissait grandir, depuis qu’elle souffrait. Hélène dut l’embrasser, en jurant qu’elle l’aimait bien, et lui promettre de l’embrasser encore, quand elle se coucherait.

— Ça ne fait rien si je dors, répétait Jeanne. Je te sens tout de même.

Elle ferma les yeux, elle s’endormit. Hélène resta près d’elle, à regarder son sommeil. Comme Rosalie venait sur la pointe des pieds lui demander si elle pouvait se retirer, elle lui répondit affirmati-