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LES ROUGON-MACQUART.

milieu des fleurs. Il lui prenait un frisson. Elle eut peur de n’être plus sage, et elle baissa les yeux, tâchant de s’intéresser au dallage blanc et noir, pour ne pas pleurer. Les voix frêles des enfants de chœur lui mettaient de petits souffles dans les cheveux.

Cependant, Hélène, le visage sur son paroissien, s’écartait chaque fois qu’elle sentait Juliette la frôler de ses dentelles. Elle n’était point préparée à cette rencontre. Malgré le serment qu’elle s’était imposé d’aimer Henri saintement, sans jamais lui appartenir, elle éprouvait un malaise en pensant qu’elle trahissait cette femme, si confiante et si gaie à son côté. Une seule pensée l’occupait : elle n’irait point à ce dîner ; et elle cherchait comment elle pourrait rompre peu à peu des relations qui blessaient sa loyauté. Mais les voix ronflantes des chantres, à quelques pas d’elle, l’empêchaient de réfléchir ; elle ne trouvait rien, elle s’abandonnait au bercement du cantique, goûtant un bien-être dévot, que jusque-là elle n’avait jamais ressenti dans une église.

— Est-ce qu’on vous a conté l’histoire de madame de Chermette ? demanda Juliette, cédant de nouveau à la démangeaison de parler.

— Non, je ne sais rien.

— Eh bien ! imaginez-vous… Vous avez vu sa grande fille, qui est si longue pour ses quinze ans ? Il est question de la marier l’année prochaine, et avec ce petit brun que l’on voit toujours dans les jupes de la mère… On en cause, on en cause…

— Ah ! dit Hélène, qui n’écoutait pas.

Madame Deberle donna d’autres détails. Mais, brusquement, le cantique cessa, les orgues gémirent et s’arrêtèrent. Alors, elle se tut, surprise de l’éclat de sa voix, au milieu du silence recueilli qui se faisait. Un