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LES ROUGON-MACQUART.

et déjà célèbre. Il racontait pourtant, en souriant d’un air fin, que la fortune venait de papa Deberle, un homme que tout Passy vénérait. Le fils avait eu simplement la peine d’hériter d’un million et demi et d’une clientèle superbe. Un garçon très-fort, d’ailleurs, se hâtait d’ajouter le docteur Bodin, et avec lequel il serait très-honoré d’entrer en consultation, au sujet de la chère santé de sa petite amie Jeanne.

Vers trois heures, Hélène et sa fille descendirent et n’eurent que quelques pas à faire dans la rue Vineuse, pour sonner à l’hôtel voisin. Toutes deux étaient encore en grand deuil. Ce fut un valet de chambre en habit et en cravate blanche qui leur ouvrit. Hélène reconnut le large vestibule tendu de portières d’Orient ; seulement, une profusion de fleurs, à droite et à gauche, garnissaient des jardinières. Le valet les avait fait entrer dans un petit salon aux tentures et au meuble réséda. Et, debout, il attendait. Alors, Hélène lui donna son nom :

— Madame Grandjean.

Le valet poussa la porte d’un salon, jaune et noir, d’un éclat extraordinaire ; et, s’effaçant, il répéta :

— Madame Grandjean.

Hélène, sur le seuil, eut un mouvement de recul. Elle venait d’apercevoir, à l’autre bout, au coin de la cheminée, une jeune dame assise sur un étroit canapé, que la largeur de ses jupes occupait tout entier. En face d’elle, une personne âgée, qui n’avait quitté ni son chapeau ni son châle, était en visite.

— Pardon, murmura Hélène, je désirais voir monsieur le docteur Deberle.

Et elle reprit la main de Jeanne, qu’elle avait fait entrer devant elle. Cela l’étonnait et l’embarrassait