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UNE PAGE D’AMOUR.

— On ne vous voit plus. Je serais allée demain chez vous… Vous n’avez pas été malade au moins ?

— Non, merci… Toutes sortes d’occupations…

— Écoutez, il faut venir demain… En famille, rien que nous…

— Vous êtes trop bonne, nous verrons.

Et elle parut se recueillir et suivre le cantique, décidée à ne plus répondre. Pauline avait pris Jeanne à côté d’elle, pour lui faire partager la bouche de chaleur, sur laquelle elle cuisait doucement, avec une jouissance béate de frileuse. Toutes deux, dans le souffle tiède qui montait, se haussaient curieusement, examinant chaque chose, le plafond bas, divisé en panneaux de menuiserie, les colonnes écrasées, reliées par des pleins cintres d’où pendaient des lustres, la chaire en chêne sculpté ; et, par-dessus les têtes moutonnantes, que la houle du cantique agitait, elles allaient jusque dans les coins sombres des bas-côtés, aux chapelles perdues dont les ors luisaient, au baptistère que fermait une grille, près de la grande porte. Mais elles revenaient toujours au resplendissement du chœur, peint de couleurs vives, éclatant de dorures ; un lustre de cristal tout flambant tombait de la voûte ; d’immenses candelabres alignaient des gradins de cierges, qui piquaient d’une pluie d’étoiles symétriques les fonds de ténèbres de l’église, détachant en lumière le maître-autel, pareil à un grand bouquet de feuillages et de fleurs. En haut, dans une moisson de roses, une Vierge habillée de satin et de dentelle, couronnée de perles, tenait sur son bras un Jésus en robe longue.

— Hein ! tu as chaud ? demanda Pauline. C’est joliment bon.

Mais Jeanne, en extase, contemplait la Vierge au