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LES ROUGON-MACQUART.

tasse se vidait, il se laissait essuyer les lèvres, avalant toujours, ouvrant des yeux plus grands.

— Fichtre ! mon bonhomme, tu vas bien ! dit Malignon qui le regardait d’un air rêveur.

Ce fut alors qu’il y eut un partage des « surprises ». Les enfants, en quittant la table, emportaient chacun une des grandes papillotes dorées, dont ils se hâtaient de déchirer l’enveloppe ; et ils sortaient de là des joujoux, des coiffures grotesques en papier mince, des oiseaux et des papillons. Mais la grande joie, c’étaient les pétards. Chaque « surprise » contenait un pétard que les garçons tiraient bravement, heureux du bruit, tandis que les demoiselles fermaient les yeux, en s’y reprenant à plusieurs fois. On n’entendit pendant un instant que le pétillement sec de cette mousqueterie. Et ce fut au milieu du vacarme que les enfants retournèrent dans le salon, où le piano jouait sans arrêt des figures de quadrille.

— Je mangerais bien une brioche, murmura mademoiselle Aurélie en s’asseyant.

Alors, devant la table restée libre, couverte encore de la débandade de ce dessert colossal, des dames s’installèrent. Elles étaient une dizaine qui avaient prudemment attendu pour manger. Comme elles ne pouvaient mettre la main sur un domestique, ce fut Malignon qui s’empressa. Il vida la chocolatière, consulta le fond des bouteilles, parvint même à trouver des glaces. Mais, tout en se montrant galant, il en revenait toujours à la singulière idée qu’on avait eue de fermer les persiennes.

— Positivement, répétait-il, on est dans un caveau.

Hélène était restée debout, causant avec madame Deberle. Celle-ci retournait au salon, et elle se disposait