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UNE PAGE D’AMOUR.

Alors, il s’approcha et salua les dames. Mademoiselle Aurélie, qui se trouvait là, le retint un instant, pour lui montrer de loin un neveu à elle, qu’elle avait amené. Il restait complaisamment. Hélène, sans parler, lui tendit sa main gantée de noir, qu’il n’osa serrer trop fort.

— Comment ! tu es là ! s’écria madame Deberle, en reparaissant. Je te cherche partout… Il est près de trois heures ; on pourrait commencer.

— Sans doute, dit-il. Tout de suite.

À ce moment, le salon était plein. Autour de la pièce, sous la grande clarté du lustre, les parents mettaient la bordure sombre de leurs toilettes de ville ; des dames, rapprochant leurs siéges, formaient des sociétés à part ; des hommes, immobiles le long des murs, bouchaient les intervalles ; tandis que, à la porte du salon voisin, les redingotes, plus nombreuses, s’écrasaient et se haussaient. Toute la lumière tombait sur le petit monde tapageur qui s’agitait au milieu de la vaste pièce. Il y avait là près d’une centaine d’enfants, pêle-mêle, dans la gaieté bariolée des costumes clairs, où le bleu et le rose éclataient. C’était une nappe de têtes blondes, toutes les nuances du blond, depuis la cendre fine jusqu’à l’or rouge, avec des réveils de nœuds et de fleurs, une moisson de chevelures blondes, que de grands rires faisaient onduler comme sous des brises. Parfois, dans ce fouillis de rubans et de dentelles, de soie et de velours, un visage se tournait ; un nez rose, deux yeux bleus, une bouche souriante ou boudeuse, qui semblaient perdus. Il y en avait de pas plus hauts qu’une botte, qui s’enfonçaient entre des gaillards de dix ans, et que les mères cherchaient de loin, sans pouvoir les retrouver. Des garçons restaient gênés, l’air bêta,