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UNE PAGE D’AMOUR.

verture ramenée sous le menton, et pendant près d’une heure il demeura là, à la veiller, paraissant attendre le son normal de la respiration. De l’autre côté du lit, Hélène attendait également, sans bouger.

Peu à peu, une grande paix se fit sur la face de Jeanne. La lampe l’éclairait d’une lumière blonde. Son visage reprenait son ovale adorable, un peu allongé, d’une grâce et d’une finesse de chèvre. Ses beaux yeux fermés avaient de larges paupières bleuâtres et transparentes, sous lesquelles on devinait l’éclat sombre du regard. Son nez mince souffla légèrement, sa bouche un peu grande eut un sourire vague. Et elle dormait ainsi, sur la nappe de ses cheveux étalés, d’un noir d’encre.

— Cette fois, c’est fini, dit le médecin à demi-voix.

Et il se tourna, rangeant ses flacons, s’apprêtant à partir. Hélène s’approcha, suppliante.

— Oh ! monsieur, murmura-t-elle, ne me quittez pas. Attendez quelques minutes. Si des accès se produisaient encore… C’est vous qui l’avez sauvée.

Il fit signe qu’il n’y avait plus rien à craindre. Pourtant, il resta, voulant la rassurer. Elle avait envoyé Rosalie se coucher. Bientôt, le jour parut, un jour doux et gris sur la neige qui blanchissait les toitures. Le docteur alla fermer la fenêtre. Et tous deux échangèrent de rares paroles, au milieu du grand silence, à voix très-basse.

— Elle n’a rien de grave, je vous assure, disait-il. Seulement, à son âge, il faut beaucoup de soins… Veillez surtout à ce qu’elle mène une vie égale, heureuse, sans secousse.

Au bout d’un instant, Hélène dit à son tour :

— Elle est si délicate, si nerveuse… Je ne suis pas