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LES ROUGON-MACQUART.

rideaux. Elle ne les sentait pas. Pourtant le châle était complétement tombé de ses épaules, découvrant la naissance de la gorge. Par derrière, son chignon dénoué laissait pendre des mèches folles jusqu’à ses reins. Elle avait dégagé ses bras nus, pour être plus prompte, oublieuse de tout, n’ayant plus que la passion de son enfant. Et, devant elle, affairé, le médecin ne songeait pas davantage à son veston ouvert, à son col de chemise que Jeanne venait d’arracher.

— Soulevez-la un peu, dit-il. Non, pas ainsi… Donnez-moi votre main.

Il lui prit la main, la posa lui-même sous la tête de l’enfant, à laquelle il voulait faire reprendre une cuillerée de potion. Puis, il l’appela près de lui. Il se servait d’elle comme d’un aide, et elle était d’une obéissance religieuse, en voyant que sa fille semblait plus calme.

— Venez… Vous allez lui appuyer la tête sur votre épaule, pendant que j’écouterai.

Hélène fit ce qu’il ordonnait. Alors, lui, se pencha au-dessus d’elle, pour poser son oreille sur la poitrine de Jeanne. Il avait effleuré de la joue son épaule nue, et en écoutant le cœur de l’enfant, il aurait pu entendre battre le cœur de la mère. Quand il se releva, son souffle rencontra le souffle d’Hélène.

— Il n’y a rien de ce côté-là, dit-il tranquillement, pendant qu’elle se réjouissait. Recouchez-la, il ne faut pas la tourmenter davantage.

Mais un nouvel accès se produisit. Il fut beaucoup moins grave. Jeanne laissa échapper quelques paroles entrecoupées. Deux autres accès avortèrent, à de courts intervalles. L’enfant était tombée dans une prostration qui parut de nouveau inquiéter le médecin. Il l’avait couchée la tête très haute, la cou-