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LES ROUGON-MACQUART.

costume. Luigi jetait des regards luisants sur Rougon, continuait à murmurer des paroles maussades. Alors, très-vite, elle lui parla en italien, les sourcils froncés, sans cesser de sourire. Et il se tut, il promena de nouveau son pinceau, maigrement.

— Je ne mens pas, reprit-elle en revenant s’asseoir près de Rougon, j’ai la jambe gauche tout engourdie.

Elle se donna des tapes sur la jambe gauche, pour faire circuler le sang, disait-elle. Sous la gaze, on voyait la tache rose des genoux. Cependant, elle avait oublié qu’elle était nue. Elle se penchait vers lui, sérieuse, s’éraflant la peau de l’épaule contre le gros drap de son paletot. Mais, tout d’un coup, un bouton qu’elle rencontra, lui fit passer un grand frisson sur la gorge. Elle se regarda, devint très-rouge. Et, vivement, elle alla prendre un lambeau de dentelle noire, dans lequel elle s’enveloppa.

— J’ai un peu froid, dit-elle, après avoir roulé devant Rougon un fauteuil, dans lequel elle s’assit.

Elle ne montrait plus sous la dentelle que les bouts de ses poignets nus. Elle s’était noué le lambeau au cou, de façon à s’en faire une énorme cravate, au fond de laquelle elle enfonçait le menton. Là-dedans, le buste entièrement noyé, elle restait toute noire, avec son visage redevenu pâle et grave.

— Enfin, que vous est-il arrivé ? demanda-t-elle. Racontez-moi tout.

Et elle le questionna sur sa disgrâce, avec une franchise de curiosité filiale. Elle était étrangère, elle se faisait répéter jusqu’à trois reprises des détails qu’elle disait ne pas comprendre. Elle l’interrompait par des exclamations en langue italienne ; tandis que, dans ses yeux clairs, il pouvait suivre toute l’émotion de son récit. Pourquoi s’était-il fâché avec l’empereur ? comment