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LES ROUGON-MACQUART.

comme à des ennemis puissants, aux seuls ennemis devant lesquels il tremblât.

Mais peu à peu, sa voix avait repris toute son emphase. Il emplissait la salle de son mugissement, il se tapait la poitrine à grands coups de poing.

— On nous a accusé d’irréligion. On a menti ! Nous sommes l’enfant respectueux de l’Église et nous avons le bonheur de croire… Oui, messieurs, la foi est notre guide et notre soutien, dans cette tâche du gouvernement, si lourde parfois à porter. Qu’adviendrait-il de nous, si nous ne nous abandonnions pas aux mains de la Providence ? Nous avons la seule prétention d’être l’humble exécuteur de ses desseins, l’instrument docile des volontés de Dieu. C’est là ce qui nous permet de parler haut et de faire un peu de bien… Et, messieurs, je suis heureux de cette occasion pour m’agenouiller ici, avec toute la ferveur de mon cœur de catholique, devant le souverain pontife, devant ce vieillard auguste dont la France restera la fille vigilante et dévouée.

Les applaudissements n’attendirent pas la fin de la phrase. Le triomphe tournait à l’apothéose. La salle croulait.

À la sortie, Clorinde guetta Rougon. Ils n’avaient plus échangé une parole depuis trois ans. Lorsqu’il parut, rajeuni, comme allégé, ayant démenti en une heure toute sa vie politique, prêt à satisfaire, sous la fiction du parlementarisme, son furieux appétit d’autorité, elle céda à un entraînement, elle alla vers lui, la main tendue, les yeux attendris et humides d’une caresse, en disant :

— Vous êtes tout de même d’une jolie force, vous !


FIN