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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

courait à la Bibliothèque, quand il eut la précaution de revenir sur ses pas, pour fouiller d’un coup d’œil le couloir aux lavabos. M. de Combelot, les mains plongées au fond d’une grande cuvette, les y frottait doucement, en souriant à leur blancheur. Il ne s’émut pas, il retournait tout de suite à sa place. Et il prit le temps de s’éponger longuement les mains, à l’aide d’une serviette chaude, qu’il remit ensuite dans l’étuve, aux portes de cuivre. Même il alla, à l’extrémité du couloir, devant une haute glace, peigner sa belle barbe noire, avec un petit peigne de poche.

La Bibliothèque était vide. Les livres dormaient dans leurs casiers de chêne ; toutes nues, les deux grandes tables étalaient la sévérité de leurs tapis verts ; aux bras des fauteuils, rangés en bon ordre, les pupitres mécaniques se repliaient, gris d’une légère poussière. Et, au milieu de ce recueillement, dans l’abandon de la galerie où traînait une odeur de papiers, M. La Rouquette dit tout haut, en faisant claquer la porte :

— Il n’y a jamais personne, là-dedans !

Alors, il se lança dans l’enfilade des couloirs et des salles. Il traversa la salle de distribution, dallée en marbre des Pyrénées, où son pas sonnait comme sous une voûte d’église. Un huissier lui ayant appris qu’un député de ses amis, M. de la Villardière, faisait visiter le Palais à un monsieur et à une dame, il s’entêta à le trouver. Il courut à la salle du général Foy, ce vestibule sévère, dont les quatre statues, Mirabeau, le général Foy, Bailly et Casimir Périer, sont l’admiration respectueuse des bourgeois de province. Et ce fut à côté, dans la salle du trône, qu’il aperçut enfin M. de la Villardière, flanqué d’une grosse dame et d’un gros monsieur, des gens de Dijon, tous deux notaires et électeurs influents.