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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

il se retirait pour des raisons personnelles. Puis, comme Du Poizat, tout à fait lancé, traitait les gens des Tuileries de « cochons », il finit par le faire taire, en assénant un coup de poing sur le bureau de palissandre, qui craqua.

— C’est bête, tout ça ! dit-il simplement.

— Vous allez un peu loin, murmura M. Kahn.

Delestang, très-pâle, s’était mis debout, derrière les fauteuils. Il ouvrit doucement la porte pour voir si personne n’écoutait. Mais il n’aperçut, dans l’antichambre, que la haute silhouette de Merle, dont le dos tourné avait un grand air de discrétion. Le mot de Rougon avait fait rougir Du Poizat, qui se tut, dégrisé, mâchant son cigare d’un air mécontent.

— Sans doute, l’empereur est mal entouré, reprit Rougon après un silence. Je me suis permis de le lui dire, et il a souri. Il a même daigné plaisanter, en ajoutant que mon entourage ne valait pas mieux que le sien.

Du Poizat et M. Kahn eurent un rire contraint. Ils trouvèrent le mot très-joli.

— Mais, je le répète, continua Rougon d’une voix particulière, je me retire de mon plein gré. Si l’on vous interroge, vous qui êtes de mes amis, affirmez qu’hier soir encore j’étais libre de reprendre ma démission… Démentez aussi les commérages qui circulent à propos de cette affaire Rodriguez, dont on fait, paraît-il, tout un roman. J’ai pu me trouver, sur cette affaire, en désaccord avec la majorité du Conseil d’État, et il y a eu certainement là des froissements qui ont hâté ma retraite. Mais j’avais des raisons plus anciennes et plus sérieuses. J’étais résolu depuis longtemps à abandonner la haute situation que je devais à la bienveillance de l’empereur.

Il dit toute cette tirade en l’accompagnant d’un geste de la main droite, dont il abusait, lorsqu’il parlait à la