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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

la maison, femme très-dévote  ; à la nouvelle de l’arrêt rendu par le Conseil d’État, cette malheureuse devait s’être entendue avec les sœurs de la Sainte-Famille, et avoir transporté au couvent tous les objets de valeur faciles à cacher. Trois jours après, ils ne parlaient plus de la bonne  ; c’étaient les sœurs elles-mêmes qui avaient dévalisé leur maison. Cela faisait dans la ville un scandale épouvantable. Mais le commissaire de police refusait d’opérer une descente au couvent, lorsque, sur une simple lettre des Charbonnel, Rougon avait télégraphié au préfet de donner des ordres pour qu’une visite domiciliaire eût lieu immédiatement.

— Oui, une visite domiciliaire, cela est en toutes lettres dans la dépêche, dit M. de Plouguern en terminant. Alors, on a vu le commissaire et deux gendarmes bouleverser le couvent. Ils y sont restés cinq heures. Les gendarmes ont voulu tout fouiller… Imaginez-vous qu’ils ont mis le nez jusque dans les paillasses des sœurs…

— Les paillasses des sœurs, oh  ! c’est indigne  ! s’écria madame Bouchard révoltée.

— Il faut manquer tout à fait de religion, déclara le colonel.

— Que voulez-vous, soupira à son tour madame Correur, Rougon n’a jamais pratiqué… J’ai si souvent tenté en pure perte de le réconcilier avec Dieu  !

M. Bouchard et M. Béjuin hochaient la tête d’un air désespéré, comme s’ils venaient d’apprendre quelque catastrophe sociale qui leur faisait douter de la raison humaine. M. Kahn demanda, en frottant rudement son collier de barbe  :

— Et, naturellement, on n’a rien trouvé chez les sœurs  ?

— Absolument rien  ! répondit M. de Plouguern.

Puis, il ajouta d’une voix rapide  :