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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Aucun de ces messieurs, d’ailleurs, ne se soucia de combattre le programme politique défendu par Rougon. Les regards se tournaient vers Delestang. Celui-ci comprit ce qu’on attendait de lui. Il trouva deux ou trois phrases. Il compara l’empire à un édifice.

— Certes, le principe d’autorité ne doit pas être ébranlé ; mais il ne faut point fermer systématiquement la porte aux libertés publiques… L’empire est comme un lieu d’asile, un vaste et magnifique édifice dont Sa Majesté a de ses mains posé les assises indestructibles. Aujourd’hui, elle travaille encore à en élever les murs. Seulement il viendra un jour où, sa tâche achevée, elle devra songer au couronnement de l’édifice, et c’est alors…

— Jamais ! interrompit violemment Rougon. Tout croulera !

L’empereur étendit la main pour arrêter la discussion. Il souriait, il semblait s’éveiller d’une songerie.

— Bien, bien, dit-il. Nous sommes sortis des affaires courantes… Nous verrons.

Et, s’étant levé, il ajouta :

— Messieurs, il est tard, vous déjeunerez au château.

Le conseil était terminé. Les ministres repoussèrent leurs fauteuils, se mirent debout, saluant l’empereur qui se retirait à petits pas. Mais Sa Majesté se retourna, en murmurant :

— Monsieur Rougon, un mot, je vous prie.

Alors, pendant que le souverain attirait Rougon dans l’embrasure d’une fenêtre, Leurs Excellences, à l’autre bout de la pièce, s’empressèrent autour de Delestang. Elles le félicitaient discrètement, avec des clignements d’yeux, des sourires fins, tout un murmure étouffé d’approbation élogieuse. Le ministre d’État, un homme d’un esprit très-délié et d’une grande expérience, se montra