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LES ROUGON-MACQUART.

geur du front sous les cheveux blancs. Puis, il examina sa faute au point de vue de la société ; là surtout, il se montra sévère, car si elle avait pour elle l’excuse de sa nature sensible, le mauvais exemple qu’elle donnait devait rester sans pardon ; ce qui l’amena à tonner contre le dévergondage moderne, les débordements abominables de l’époque. Enfin, il fit un retour sur lui-même. Il était le gardien des lois. Il ne pouvait abuser de son pouvoir pour encourager le vice. Sans la vertu, un gouvernement lui semblait impossible. Et il termina en mettant ses adversaires au défi de trouver dans son administration un seul acte de népotisme, une seule faveur due à l’intrigue.

La jolie madame Bouchard l’écoutait, la tête basse, pelotonnée, montrant son cou délicat sous le bavolet de son chapeau rose. Quand il se fut soulagé, elle se leva, se dirigea vers la porte, sans dire un mot. Mais comme elle sortait, la main sur le bouton, elle leva la tête, et se remit à sourire, en murmurant :

— Il s’appelle Georges Duchesne. Il est commis principal dans la division de mon mari, et veut être sous-chef…

— Non, non ! cria Rougon.

Alors, elle s’en alla, en l’enveloppant d’un long regard méprisant de femme dédaignée. Elle s’attardait, elle traînait sa jupe avec langueur, désireuse de laisser derrière elle le regret de sa possession.

Le ministre rentra dans son cabinet d’un air de fatigue. Il avait fait un signe à Merle qui le suivit. La porte était restée entr’ouverte.

— M. le directeur du Vœu national, que Son Excellence a fait demander, vient d’arriver, dit l’huissier à demi-voix.

— Très bien ! répondit Rougon. Mais je recevrai au-