de la Somme. Mais, au lieu de se diriger vers la porte, il s’approcha du bureau, en disant avec un sourire aimable :
— Si Son Excellence daigne le permettre, je vais m’acquitter tout de suite d’une toute petite commission.
Rougon posa les deux coudes sur son buvard, pour écouter.
— C’est cette pauvre madame Correur… Je suis allé chez elle ce matin. Elle est couchée, elle a un clou bien mal placé, et très-gros, oh ! plus gros que la moitié du poing. Ça n’a rien de dangereux, mais ça la fait beaucoup souffrir, parce qu’elle a la peau très-fine…
— Alors ? demanda le ministre.
— J’ai même aidé la bonne à la retourner. Mais j’ai mon service, moi… Alors, elle est très-inquiète, elle aurait voulu venir voir Son Excellence pour les réponses qu’elle attend. Je m’en allais, quand elle m’a rappelé, en me disant que je serais bien gentil, si je pouvais ce soir lui rapporter les réponses, après mon travail… Son Excellence serait-elle assez obligeante… ?
Le ministre se tourna tranquillement.
— Monsieur d’Escorailles, donnez-moi donc ce dossier là-bas, dans cette armoire.
C’était le dossier de madame Correur, une énorme chemise grise crevant de papiers. Il y avait là des lettres, des projets, des pétitions de toutes les écritures et de toutes les orthographes : demandes de bureaux de tabac, demandes de bureaux de timbres, demandes de secours, de subventions, de pensions, d’allocations. Toutes les feuilles volantes portaient en marge l’apostille de madame Correur, cinq ou six lignes suivies d’une grosse signature masculine.
Rougon feuilletait le dossier et regardait, au bas des lettres, de petites notes écrites de sa main au crayon rouge.