allait jusqu’à vanter M. de Marsy. Lui, d’abord, avait conservé sa belle tranquillité. Il ne comprenait toujours pas. Mais, au bout de quelques soirées, de légers tressaillements passèrent sur sa face, à certaines phrases prononcées dans son salon. Il ne se fâchait point, il serrait un peu les lèvres, comme sous d’invisibles piqûres d’aiguille. Et, à la longue, il devint si nerveux, qu’il abandonna ses réussites ; elles ne réussissaient plus, il préférait se promener à petits pas, causant, quittant brusquement les gens, quand les reproches déguisés commençaient. Par moments, des fureurs blanches le prenaient, il semblait serrer avec force les mains derrière le dos, pour ne pas céder à l’envie de jeter à la rue tout ce monde.
— Mes enfants, dit un soir le colonel, moi, je ne reviens pas de quinze jours… Il faut le bouder. Nous verrons s’il s’amusera tout seul.
Alors, Rougon, qui rêvait de fermer sa porte, fut très-blessé de l’abandon où on le laissait. Le colonel avait tenu parole ; d’autres l’imitaient ; le salon était presque vide, il manquait toujours cinq ou six amis. Lorsqu’un d’eux reparaissait après une absence, et que le grand homme lui demandait s’il n’avait pas été malade, il répondait non d’un air surpris, et il ne donnait aucune explication. Un jeudi, il ne vint personne. Rougon passa la soirée seul, à se promener dans la vaste pièce, les mains derrière le dos, la tête basse. Il sentait pour la première fois la force du lien qui l’attachait à sa bande. Des haussements d’épaules disaient son mépris, quand il songeait à la bêtise des Charbonnel, à la rage envieuse de Du Poizat, aux douceurs louches de madame Correur. Pourtant ces familiers, qu’il tenait en une si médiocre estime, il avait le besoin de les voir, de régner sur eux ; un besoin de maître jaloux, pleurant en