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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Clorinde sortait de sa rêverie. Elle lui imposa silence d’un geste ; puis, quand elle eut entr’ouvert la porte pour voir si personne n’était là, elle répéta :

— Entendez-vous, il faut qu’il aille à Compiègne !

Et, comme toutes les faces se tendaient vers elle, d’un nouveau geste elle arrêta les questions.

— Chut ! pas ici !

Pourtant, elle dit encore que son mari et elle étaient aussi invités à Compiègne ; et elle laissa échapper les noms de M. de Marsy et de madame de Llorentz, sans vouloir s’expliquer davantage. On pousserait le grand homme au pouvoir malgré lui, on le compromettrait, s’il le fallait. M. Beulin-d’Orchère et toute la magistrature l’appuyaient sourdement. L’empereur, avouait M. La Rouquette, au milieu de la haine de son entourage contre Rougon, gardait un silence absolu ; dès qu’on le nommait en sa présence, il devenait grave, l’œil voilé, la bouche noyée dans l’ombre des moustaches.

— Il ne s’agit pas de nous, finit par déclarer M. Kahn. Si nous réussissons, le pays nous devra des remercîments.

Alors, tout haut, on continua, en faisant un grand éloge du maître de la maison. Dans la pièce voisine, un bruit de voix venait de s’élever. Du Poizat, mordu par la curiosité, poussa la porte comme s’il allait sortir puis la referma assez lentement pour apercevoir l’homme qui se trouvait avec Rougon. C’était Gilquin, en gros paletot, presque propre, tenant à la main une forte canne à pomme de cuivre. Il disait, sans baisser la voix, avec une familiarité exagérée :

— Tu sais, n’envoie plus maintenant rue Virginie, à Grenelle. J’ai eu des histoires ; je reste au fond des Batignolles, passage Guttin… Enfin, tu peux compter sur moi. À bientôt.

Et il donna une poignée de main à Rougon. Quand