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LES ROUGON-MACQUART.

— Oh ! vous n’y êtes pour rien, je ne vous accuse pas. Nous savons comment les choses se passent… Combelot aussi est réélu, La Rouquette aussi… L’empire est superbe !

M. d’Escorailles, qui continuait à éventer la jolie madame Bouchard, voulut intervenir. Lui, défendait l’empire à un autre point de vue ; il s’était rallié, parce que l’empereur lui paraissait avoir une mission à remplir ; le salut de la France avant tout.

— Vous avez gardé votre situation d’auditeur, n’est-ce pas ? reprit Du Poizat en élevant la voix ; eh bien, vos opinions sont connues… Que diable ! ce que je dis là semble vous scandaliser tous. C’est simple pourtant… Kahn et moi nous ne sommes plus payés pour être aveugles, voilà !

On se fâcha. C’était abominable, cette façon d’envisager la politique. Il y avait, dans la politique, autre chose que des intérêts personnels. Le colonel lui-même et M. Bouchard, bien qu’ils ne fussent pas bonapartistes, reconnaissaient qu’il pouvait exister des bonapartistes de bonne foi ; et ils parlaient de leurs propres convictions, avec un redoublement de chaleur, comme si on avait voulu les leur arracher de vive force. Quant à Delestang, il était très-blessé ; il répétait qu’on ne l’avait pas compris, il indiquait par quels points considérables il s’éloignait des partisans aveugles de l’empire ; ce qui l’entraîna dans de nouvelles explications sur les développements démocratiques dont le gouvernement de l’empereur lui paraissait susceptible. M. Béjuin, lui non plus, pas plus d’ailleurs que M. d’Escorailles, n’acceptèrent d’être des bonapartistes tout court ; ils établissaient des nuances énormes, se cantonnaient chacun dans des opinions particulières, difficiles à définir ; si bien qu’au bout de dix minutes toute la société était passée à l’opposition. Les voix se haussaient,