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LES ROUGON-MACQUART.

il leva lentement les yeux sur Clorinde. Maintenant, elle souriait. Elle marcha de nouveau la première.

L’écurie se trouvait à droite, au fond du jardin. Quand ils passèrent devant le jardinier, cet homme rangeait ses outils, debout, près de partir. Rougon tira sa montre ; il était onze heures cinq, le palefrenier devait déjeuner. Et, dans le soleil ardent, tête nue, il suivait Clorinde, qui tranquillement s’avançait, en donnant des coups de cravache à droite, à gauche, sur les arbres verts. Ils n’échangèrent pas une parole. Elle ne se retourna même pas. Puis, lorsqu’elle fut arrivée à l’écurie, elle laissa Rougon ouvrir la porte, elle passa devant lui. La porte, repoussée trop fort, se referma violemment, sans qu’elle cessât de sourire. Elle avait un visage candide, superbe et confiant.

C’était une écurie petite, très-ordinaire, avec quatre stalles de chêne. Bien qu’on eût lavé les dalles le matin, et que les boiseries, les râteliers, les mangeoires fussent tenus très-proprement, une odeur forte montait. Il y faisait une chaleur humide de baignoire. Le jour, qui entrait par deux lucarnes rondes, traversait de deux rayons pâles l’ombre du plafond, sans éclairer les coins noirs, à terre. Clorinde, les yeux pleins de la grande lumière du dehors, ne distingua d’abord rien ; mais elle attendit, elle ne rouvrit pas la porte, pour ne pas paraître avoir peur. Deux des stalles seulement étaient occupées. Les chevaux soufflaient, tournant la tête.

— C’est celui-ci, n’est-ce pas ? demanda-t-elle, lorsque ses yeux se furent habitués à l’obscurité. Il m’a l’air très-bien.

Elle donnait de petites tapes sur la croupe du cheval. Puis, elle se glissa dans la stalle, en le flattant tout le long des flancs, sans montrer la moindre crainte. Elle désirait, disait-elle, lui voir la tête. Et, lorsqu’elle fut