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LES ROUGON-MACQUART.

tantine. Elle dut se décider à couper par la rue de la Licorne et la rue des Trois-Canettes. Enfin, elle déboucha sur la place du Parvis, après avoir laissé à un soupirail de maison suspecte tout un volant de sa robe gorge de pigeon. La place, sablée, jonchée de fleurs, était plantée de mâts portant des bannières aux armes impériales. Devant l’église, un porche colossal, en forme de tente, drapait sur la nudité de la pierre des rideaux de velours rouge, à franges et à glands d’or.

Là, madame Correur fut arrêtée par une haie de soldats qui maintenait la foule. Au milieu du vaste carré laissé libre, des valets de pied se promenaient à petits pas, le long des voitures rangées sur cinq files ; tandis que les cochers, solennels, restaient sur leurs sièges, les guides aux mains. Et comme elle allongeait le cou, cherchant quelque fente pour pénétrer, elle aperçut Du Poizat qui fumait tranquillement un cigare, dans un angle de la place, au milieu des valets de pied.

— Est-ce que vous ne pouvez pas me faire entrer ? lui demanda-t-elle, quand elle eut réussi à l’appeler, en agitant son mouchoir.

Il parla à un officier, il l’emmena devant l’église.

— Si vous m’en croyez, vous resterez ici avec moi, dit-il. C’est plein à crever, là-dedans. J’étouffais, je suis sorti… Tenez, voici le colonel et monsieur Bouchard qui ont renoncé à trouver des places.

Ces messieurs, en effet, étaient là, à gauche, du côté de la rue du Cloître Notre-Dame. M. Bouchard racontait qu’il venait de confier sa femme à M. d’Escorailles, qui avait un fauteuil excellent pour une dame. Quant au colonel, il regrettait de ne pouvoir expliquer la cérémonie à son fils Auguste.

— J’aurais voulu lui montrer le fameux vase, dit-il. C’est, comme vous le savez, le propre vase de saint Louis,