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LES ROUGON-MACQUART.

des chevaliers d’honneur, tenaient les brides très-courtes, pour maintenir leurs chevaux au pas.

— Où donc est le petit ? demanda madame Charbonnel impatiente.

— Pardi ! on ne l’a pas mis sous une banquette, dit Gilquin en riant. Attendez, il va venir.

Il serra plus amoureusement madame Correur, qui s’abandonnait, parce qu’elle avait peur de tomber, disait-elle. Et, gagné par l’admiration, les yeux luisants, il murmura encore :

— N’importe, c’est vraiment beau ! Se gobergent-ils, ces mâtins-là, dans leurs boîtes de satin !… Quand on pense que j’ai travaillé à tout ça !

Il se gonflait ; le cortége, la foule, l’horizon entier était à lui. Mais, dans le court recueillement causé par l’apparition des premières voitures, un brouhaha formidable arrivait ; maintenant, c’était sur le quai même que les chapeaux volaient au-dessus des têtes moutonnantes. Au milieu du pont, six piqueurs de l’empereur passaient, avec leur livrée verte, leurs calottes rondes autour desquelles retombaient les brins dorés d’un large gland. Et la voiture de l’impératrice se montra enfin ; elle était traînée par huit chevaux ; elle avait quatre lanternes, très-riches, plantées aux quatre coins de la caisse ; et, toute en glaces, vaste, arrondie, elle ressemblait à un grand coffret de cristal, enrichi de galeries d’or, monté sur des roues d’or. À l’intérieur, on distinguait nettement, dans un nuage de dentelles blanches, la tache rose du prince impérial, tenu sur les genoux de la gouvernante des Enfants de France ; auprès d’elle, était la nourrice, une bourguignonne belle femme à forte poitrine. Puis, à quelque distance, après un groupe de garçons d’attelage à pied et d’écuyers à cheval, venait la voiture de l’empereur, attelée également de huit che-