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LES ROUGON-MACQUART

quitte à arriver lui-même au Bonheur des Dames un quart d’heure en retard. Mais Pichon lui sembla moins éveillé encore que sa femme, plein de manies commençantes, tout entier au souci de ne pas crotter ses souliers, par les temps de pluie. Il marchait sur la pointe des pieds, en parlant de son sous-chef, continuellement. Octave qui, dans cette affaire, était animé d’intentions fraternelles, finit par le lâcher, rue Saint-Honoré, après lui avoir conseillé de mener souvent Marie au théâtre.

— Pourquoi donc ? demanda Pichon ahuri.

— Parce que c’est bon pour les femmes. Ça les rend gentilles.

— Ah ! vous croyez ?

Il promit d’y songer, il traversa la rue, en guettant les fiacres avec terreur, travaillé dans la vie du seul tourment des éclaboussures.

Au déjeuner, Octave frappa chez les Pichon, pour reprendre le livre. Marie lisait, les coudes sur la table, les deux mains au fond de ses cheveux dépeignés. Elle venait de manger, sans nappe, un œuf dans un plat de fer-blanc, qui traînait, au milieu de la débandade d’un couvert mis à la hâte. Par terre, Lilitte, oubliée, dormait, le nez sur les débris d’une assiette, qu’elle avait cassée sans doute.

— Eh bien ? demanda Octave.

Marie ne répondit pas tout de suite. Elle avait gardé son peignoir du matin, dont les boutons arrachés montraient son cou, dans un désordre de femme qui se lève.

— J’ai lu à peine cent pages, finit-elle par dire. Mes parents sont venus hier.

Et elle parla d’une voix pénible, la bouche amère. Quand elle était jeune, elle aurait voulu habiter au fond des bois. Elle rêvait toujours qu’elle rencontrait un chasseur, qui sonnait du cor. Il s’approchait, se mettait