Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
157
POt-BOUILLE

— Ça ne fait rien, murmura-t-il en clignant de l’œil, on parle de cette assurance à la famille, et on prend du temps pour payer la dot… Jamais on ne paie une dot.

Révolté, M. Josserand se leva.

— Comment ! voilà tout ce que vous trouvez à nous dire !

Mais l’oncle se méprenait, insistait sur l’usage.

— Jamais, entendez-vous ! On donne un acompte, on sert la rente. Voyez monsieur Vabre lui-même… Est-ce que le père Bachelard vous a payé la dot d’Éléonore ? non, n’est-ce pas ? On garde son argent, parbleu !

— Enfin, c’est une saleté que vous me conseillez ! cria M. Josserand. Je mentirais, je ferais un faux en produisant la police de cette assurance…

Madame Josserand l’arrêta. L’idée suggérée par son frère, l’avait rendue grave. Elle s’étonnait de ne pas y avoir songé.

— Mon Dieu ! comme tu prends feu, mon ami… Narcisse ne te dit pas de faire un faux.

— Bien sûr, murmura l’oncle. Pas besoin de montrer les papiers.

— Il s’agit simplement de gagner du temps, continua-t-elle. Promets la dot, nous la donnerons toujours plus tard.

Alors, la conscience du brave homme éclata. Non ! il refusait, il ne voulait pas se risquer une fois encore sur de pareilles pentes. Toujours on abusait de sa complaisance, pour lui faire accepter peu à peu des choses dont il tombait malade ensuite, tant elles lui barraient le cœur. Puisqu’il n’avait pas de dot à donner, il ne pouvait en promettre une.

Bachelard était allé battre le vitrage du bout des doigts, en sifflotant une sonnerie de clairon, comme pour montrer son parfait mépris devant de pareils scrupules. Madame Josserand avait écouté son mari,