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LE VENTRE DE PARIS.

porterait bonheur. À la vérité, il avait des ferrures terribles, une serrure de prison, et il était si lourd qu’on ne pouvait le bouger de place.

Lorsque Florent et Quenu entrèrent, Lisa, assise devant le tablier baissé du secrétaire, écrivait, alignait des chiffres, d’une grosse écriture ronde, très-lisible. Elle fit un signe pour qu’on ne la dérangeât pas. Les deux hommes s’assirent. Florent, surpris, regardait la chambre, les deux portraits, la pendule, le lit.

— Voici, dit enfin Lisa, après avoir vérifié posément toute une page de calculs. Écoutez-moi… Nous avons des comptes à vous rendre, mon cher Florent.

C’était la première fois qu’elle le nommait ainsi. Elle prit la page de calculs et continua :

— Votre oncle Gradelle est mort sans testament ; vous étiez, vous et votre frère, les deux seuls héritiers… Aujourd’hui, nous devons vous donner votre part.

— Mais je ne demande rien, s’écria Florent, je ne veux rien !

Quenu devait ignorer les intentions de sa femme. Il était devenu un peu pâle, il la regardait d’un air fâché. Vraiment, il aimait bien son frère ; mais il était inutile de lui jeter ainsi l’héritage de l’oncle à la tête. On aurait vu plus tard.

— Je sais bien, mon cher Florent, reprit Lisa, que vous n’êtes pas revenu pour nous réclamer ce qui vous appartient. Seulement, les affaires sont les affaires ; il vaut mieux en finir tout de suite… Les économies de votre oncle se montaient à quatre-vingt-cinq mille francs. J’ai donc porté à votre compte quarante-deux mille cinq cents francs. Les voici.

Elle lui montra le chiffre sur la feuille de papier.

— Il n’est pas aussi facile malheureusement d’évaluer la boutique, matériel, marchandises, clientèle. Je n’ai pu mettre que des sommes approximatives ; mais je crois avoir