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LE VENTRE DE PARIS.

paisible, avait cette blancheur transparente, cette peau fine et rosée des personnes qui vivent d’ordinaire dans les graisses et les viandes crues. Elle était sérieuse plutôt, très-calme et très-lente, s’égayant du regard, les lèvres graves. Son col de linge empesé bridant sur son cou, ses manches blanches qui lui montaient jusqu’aux coudes, son tablier blanc cachant la pointe de ses souliers, ne laissaient voir que des bouts de sa robe de cachemire noir, les épaules rondes, le corsage plein, dont le corset tendait l’étoffe, extrêmement. Dans tout ce blanc, le soleil brûlait. Mais, trempée de clarté, les cheveux bleus, la chair rose, les manches et la jupe éclatantes, elle ne clignait pas les paupières, elle prenait en toute tranquillité béate son bain de lumière matinale, les yeux doux, riant aux Halles débordantes. Elle avait un air de grande honnêteté.

— C’est la femme de votre frère, votre belle-sœur Lisa, dit Gavard à Florent.

Il l’avait saluée d’un léger signe de tête. Puis, il s’enfonça dans l’allée, continuant à prendre des précautions minutieuses, ne voulant pas que Florent entrât par la boutique, qui était vide pourtant. Il était évidemment très-heureux de se mettre dans une aventure qu’il croyait compromettante.

— Attendez, dit-il, je vais voir si votre frère est seul… Vous entrerez, quand je taperai dans mes mains.

Il poussa une porte, au fond de l’allée. Mais, lorsque Florent entendit la voix de son frère, derrière cette porte, il entra d’un bond. Quenu, qui l’adorait, se jeta à son cou. Ils s’embrassaient comme des enfants.

— Ah ! saperlotte, ah ! c’est toi, balbutiait Quenu, si je m’attendais, par exemple !… Je t’ai cru mort, je le disais hier encore à Lisa : « Ce pauvre Florent… »

Il s’arrêta, il cria, en penchant la tête dans la boutique :

— Eh ! Lisa !… Lisa !…