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LE VENTRE DE PARIS.

à la faire crier, dans sa belle humeur de charcutier. Lisa avait toutes les peines du monde à le renvoyer à la cuisine. Elle marchait d’impatience dans la boutique, craignant que Florent n’arrivât, appelant son mari pour éviter une rencontre.

— Elle se fait du mauvais sang, dit mademoiselle Saget. Ce pauvre monsieur Quenu ne sait rien. Rit-il comme un innocent !… Vous savez que madame Taboureau disait qu’elle se fâcherait avec les Quenu, s’ils se déconsidéraient davantage en gardant leur Florent chez eux.

— En attendant, ils gardent l’héritage, fit remarquer madame Lecœur.

— Eh ! non, ma bonne… L’autre a eu sa part.

— Vrai… Comment le savez-vous ?

— Pardieu ! ça se voit, reprit la vieille, après une courte hésitation, et sans donner d’autre preuve. Il a même pris plus que sa part. Les Quenu en seront pour plusieurs milliers de francs… Il faut dire qu’avec des vices, ça va vite… Ah ! vous ignorez, peut-être : il avait une autre femme…

— Ça ne m’étonne pas, interrompit la Sarriette ; ces hommes maigres sont de fiers hommes.

— Oui, et pas jeune encore, cette femme. Vous savez, quand un homme en veut, il en veut ; il en ramasserait par terre… Madame Verlaque, la femme de l’ancien inspecteur, vous la connaissez bien, cette dame toute jaune…

Mais les deux autres se récrièrent. Ce n’était pas possible. Madame Verlaque était abominable. Alors mademoiselle Saget s’emporta.

— Quand je vous le dis ! Accusez-moi de mentir, n’est-ce pas ?… On a des preuves, on a trouvé des lettres de cette femme, tout un paquet de lettres, dans lesquelles elle lui demandait de l’argent, des dix et vingt francs à la fois. C’est clair, enfin… À eux deux, ils auront fait mourir le mari.

La Sarriette et madame Lecœur furent convaincues. Mais