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LE VENTRE DE PARIS.

murmure courut la poissonnerie ; toutes les têtes, sur le trottoir, se rapprochèrent, causant vivement. Les deux femmes étaient dans la boutique, et les crépines de l’étalage empêchaient de les bien voir. Elles semblaient causer affectueusement, s’adressaient de petits saluts, se complimentaient sans doute.

— Tiens ! reprit mademoiselle Saget, la belle Normande achète quelque chose… Qu’est-ce donc qu’elle achète ? C’est une andouille, je crois… Ah ! voilà ! Vous n’avez pas vu, vous autres ? La belle Lisa vient de lui rendre la photographie, en lui mettant l’andouille dans la main.

Puis, il y eut encore des salutations. La belle Lisa, dépassant même les amabilités réglées à l’avance, voulut accompagner la belle Normande jusque sur le trottoir. Là, elles rirent toutes les deux, se montrèrent au quartier en bonnes amies. Ce fut une véritable joie pour les Halles ; les marchandes revinrent à leur banc, en déclarant que tout s’était très-bien passé.

Mais mademoiselle Saget retint madame Lecœur et la Sarriette. Le drame se nouait à peine. Elles couvaient toutes trois des yeux la maison d’en face, avec une âpreté de curiosité qui cherchait à voir à travers les pierres. Pour patienter, elles causèrent encore de la belle Normande.

— La voilà sans homme, dit madame Lecœur.

— Elle a monsieur Lebigre, fit remarquer la Sarriette, qui se mit à rire.

— Oh ! monsieur Lebigre, il ne voudra plus.

Mademoiselle Saget haussa les épaules, en murmurant :

— Vous ne le connaissez guère. Il se moque pas mal de tout ça. C’est un homme qui sait faire ses affaires, et la Normande est riche. Dans deux mois, ils seront ensemble, vous verrez. Il y a longtemps que la mère Méhudin travaille à ce mariage.

— N’importe, reprit la marchande de beurre, le commis-