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LES ROUGON-MACQUART.

quille, à cette devanture de temple de carton, badigeonnée sur la face d’une maison décrépite, terminée en haut, au bord du toit, par une galerie de zinc passée à la couleur. Derrière les persiennes flexibles, à bandes rouges, elle lisait les bons petits déjeuners, les soupers fins, les noces à tout casser. Et elle mentait même ; c’était là que Florent et Gavard venaient faire des bombances avec ces deux salopes de Méhudin ; au dessert, il se passait des choses abominables.

Cependant, Pauline pleurait plus fort, depuis que la vieille fille la tenait par la main. Celle-ci se dirigeait vers la porte du square, lorsqu’elle parut se raviser. Elle s’assit sur le bout d’un banc, cherchant à faire taire la petite.

— Voyons, ne pleure plus, les sergents de ville te prendraient… Je vais te reconduire chez toi. Tu me connais bien, n’est-ce pas ? Je suis « bonne amie, » tu sais… Allons, fais une risette.

Mais les larmes la suffoquaient, elle voulait s’en aller. Alors, mademoiselle Saget, tranquillement, la laissa sangloter, attendant qu’elle eût fini. La pauvre enfant était toute grelottante, les jupes et les bas mouillés ; les larmes qu’elle essuyait avec ses poings sales lui mettaient de la terre jusqu’aux oreilles. Quand elle se fut un peu calmée, la vieille reprit d’un ton doucereux :

— Ta maman n’est pas méchante, n’est-ce pas ? Elle t’aime bien.

— Oui, oui, répondit Pauline, le cœur encore très-gros.

— Et ton papa, il n’est pas méchant non plus, il ne te bat pas, il ne se dispute pas avec ta maman ?… Qu’est-ce qu’ils disent le soir, quand ils vont se coucher ?

— Ah ! je ne sais pas ; moi, j’ai chaud dans mon lit.

— Ils parlent de ton cousin Florent ?

— Je ne sais pas.

Mademoiselle Saget prit un air sévère, en feignant de se lever et de s’en aller.