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LE VENTRE DE PARIS.

devenir tout jaune. Mais il trouva sans doute que c’était encore trop propre.

— Hein ? si nous plantions des arbres, demanda-t-il tout à coup. C’est moi qui sais faire de jolis jardins !

— Vrai, des jardins ! murmura Pauline pleine d’admiration.

Alors, comme le gardien du square n’était pas là, il lui fit creuser des trous dans une plate bande. Elle était à genoux, au beau milieu de la terre molle, s’allongeant sur le ventre, enfonçant jusqu’aux coudes ses adorables bras nus. Lui, cherchait des bouts de bois, cassait des branches. C’était les arbres du jardin, qu’il plantait dans les trous de Pauline. Seulement, il ne trouvait jamais les trous assez profonds, il la traitait en mauvais ouvrier, avec des rudesses de patron. Quand elle se releva, elle était noire des pieds à la tête ; elle avait de la terre dans les cheveux, toute barbouillée, si drôle avec ses bras de charbonnier, que Muche tapa dans ses mains, en s’écriant :

— Maintenant, nous allons les arroser… Tu comprends, ça ne pousserait pas.

Ce fut le comble. Ils sortaient du square, ramassaient de l’eau au ruisseau, dans le creux de leurs mains, revenaient en courant arroser les bouts de bois. En route, Pauline, qui était trop grosse et qui ne savait pas courir, laissait échapper toute l’eau entre ses doigts, le long de ses jupes ; si bien qu’au sixième voyage, elle semblait s’être roulée dans le ruisseau. Muche la trouva très-bien, quand elle fut très-sale. Il la fit asseoir avec lui sous un rhododendron, à côté du jardin qu’ils avaient planté. Il lui racontait que ça poussait déjà. Il lui avait pris la main, en l’appelant sa petite femme.

— Tu ne regrettes pas d’être venue, n’est-ce pas ? Au lieu de rester sur le trottoir, où tu as l’air de t’ennuyer fameusement… Tu verras, je sais tout plein de jeux, dans