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LE VENTRE DE PARIS.

pusculaire du paradis, où brillent les étoiles de deux cierges, où quatre lustres à lampes de métal, tombant de la voûte, à peine entrevus, font songer aux grands encensoirs d’or que les anges balancent au coucher de Marie. Entre les piliers, des femmes sont toujours là, pâmées sur des chaises retournées, abîmées dans cette volupté noire.

Lisa, debout, regardait, très-tranquillement. Elle n’était point nerveuse. Elle trouvait qu’on avait tort de ne pas allumer les lustres, que ce serait plus gai avec des lumières. Même il y avait une indécence dans cette ombre, un jour et un souffle d’alcôve, qui lui semblaient peu convenables. À côté d’elle, des cierges brûlant sur une herse lui chauffaient la figure, tandis qu’une vieille femme grattait avec un gros couteau la cire tombée, figée en larmes pâles. Et, dans le frisson religieux de la chapelle, dans cette pâmoison muette d’amour, elle entendait très-bien le roulement des fiacres qui débouchaient de la rue Montmartre, derrière les saints rouges et violets des vitraux. Au loin, les Halles grondaient, d’une voix continue.

Comme elle allait quitter la chapelle, elle vit entrer la cadette des Méhudin, Claire, la marchande de poissons d’eau douce. Elle fit allumer un cierge à la herse. Puis, elle vint s’agenouiller derrière un pilier, les genoux cassés sur la pierre, si pâle dans ses cheveux blonds mal attachés, qu’elle semblait une morte. Là, se croyant cachée, elle agonisa, elle pleura à chaudes larmes, avec des ardeurs de prières qui la pliaient comme sous un grand vent, avec tout un emportement de femme qui se livre. La belle charcutière resta fort surprise, car les Méhudin n’étaient guère dévotes ; Claire surtout parlait de la religion et des prêtres, d’ordinaire, d’une façon à faire dresser les cheveux sur la tête.

— Qu’est-ce qu’il lui prend donc ? se dit-elle en revenant de nouveau à la chapelle de sainte Agnès. Elle aura empoisonné quelque homme, cette gueuse.