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LE VENTRE DE PARIS.

elle le trouva tout à coup au milieu de ses jupes ; elle crut qu’elle s’était trop avancée contre lui, elle se recula ; et elle riait, elle disait :

— Si tu t’imagines que je vais les voir, tes bêtes, dans ce four-là.

Il ne répondit pas tout de suite ; puis, il balbutia qu’il y avait toujours une bougie dans la resserre. Mais il n’en finissait plus, il ne pouvait trouver le trou de la serrure. Comme elle l’aidait, elle sentit une haleine chaude sur son cou. Quand il eut ouvert enfin la porte et allumé la bougie, elle le vit si frissonnant, qu’elle s’écria :

— Grand bêta ! Peut-on se mettre dans un état pareil, parce qu’une porte ne veut pas s’ouvrir ! Tu es une demoiselle, avec tes gros poings.

Elle entra dans la resserre. Gavard avait loué deux compartiments, dont il avait fait un seul poulailler, en enlevant la cloison. Par terre, dans le fumier, les grosses bêtes, les oies, les dindons, les canards, pataugeaient ; en haut, sur les trois rangs des étagères, des boîtes plates à claire-voie contenaient des poules et des lapins. Le grillage de la resserre était tout poussiéreux, tendu de toiles d’araignée, à ce point qu’il semblait garni de stores gris ; l’urine des lapins rongeait les panneaux du bas ; la fiente de la volaille tachait les planches d’éclaboussures blanchâtres. Mais Lisa ne voulut pas désobliger Marjolin, en montrant davantage son dégoût. Elle fourra les doigts entre les barreaux des boîtes, pleurant sur le sort de ces malheureuses poules entassées qui ne pouvaient pas même se tenir debout. Elle caressa un canard accroupi dans un coin, la patte cassée, tandis que le jeune homme lui disait qu’on le tuerait le soir même, de peur qu’il ne mourût pendant la nuit.

— Mais, demanda-t-elle, comment font-ils pour manger ?

Alors il lui expliqua que la volaille ne veut pas manger sans lumière. Les marchands sont obligés d’allumer une