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IV


Marjolin fut trouvé au marché des Innocents, dans un tas de choux, sous un chou blanc, énorme, et dont une des grandes feuilles rabattues cachait son visage rose d’enfant endormi. On ignora toujours quelle main misérable l’avait posé là. C’était déjà un petit bonhomme de deux à trois ans, très-gras, très-heureux de vivre, mais si peu précoce, si empâté, qu’il bredouillait à peine quelques mots, ne sachant que sourire. Quand une marchande de légumes le découvrit sous le grand chou blanc, elle poussa un tel cri de surprise, que les voisines accoururent, émerveillées ; et lui, il tendait les mains, encore en robe, roulé dans un morceau de couverture. Il ne put dire qui était sa mère. Il avait des yeux étonnés, en se serrant contre l’épaule d’une grosse tripière qui l’avait pris entre les bras. Jusqu’au soir, il occupa le marché. Il s’était rassuré, il mangeait des tartines, il riait à toutes les femmes. La grosse tripière le garda ; puis, il passa à une voisine ; un mois plus tard, il couchait chez une troisième. Lorsqu’on lui demandait : « Où est ta mère ? » il avait un geste adorable : sa main faisait le tour, montrant les mar-