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LE VENTRE DE PARIS.

dait le plafond de l’alcôve, l’air embarrassé, elle reprit avec plus de violence :

— Enfin, on ne peut pas dire, il ne semble pas même comprendre ce que nous faisons pour lui. Nous nous sommes gênés, nous lui avons donné la chambre d’Augustine, et la pauvre fille couche sans se plaindre dans un cabinet où elle manque d’air. Nous le nourrissons matin et soir, nous sommes aux petits soins… Rien. Il accepte cela naturellement. Il gagne de l’argent, et on ne sait seulement pas où ça passe, ou plutôt on ne le sait que trop.

— Il y a l’héritage, hasarda Quenu, qui souffrait d’entendre accuser son frère.

Lisa resta toute droite, comme étourdie. Sa colère tomba.

— Tu as raison, il y a l’héritage… Voilà le compte, dans ce tiroir. Il n’en a pas voulu, tu étais là, tu te souviens ? Cela prouve que c’est un garçon sans cervelle et sans conduite. S’il avait la moindre idée, il aurait déjà fait quelque chose avec cet argent… Moi, je voudrais bien ne plus l’avoir, ça nous débarrasserait… Je lui en ai déjà parlé deux fois ; mais il refuse de m’écouter. Tu devrais le décider à le prendre, toi… Tâche d’en causer avec lui, n’est-ce pas ?

Quenu répondit par un grognement, Lisa évita d’insister, ayant mis, croyait-elle, toute l’honnêteté de son côté.

— Non, ce n’est pas un garçon comme un autre, recommença-t-elle. Il n’est pas rassurant, que veux-tu ! Je te dis ça, parce que nous en causons… Je ne m’occupe pas de sa conduite, qui fait déjà beaucoup jaser sur nous dans le quartier. Qu’il mange, qu’il couche, qu’il nous gêne, on peut le tolérer. Seulement, ce que je ne lui permettrai pas, c’est de nous fourrer dans sa politique. S’il te monte encore la tête, s’il nous compromet le moins du monde, je t’avertis que je me débarrasserai de lui carrément… Je t’avertis, tu comprends !

Florent était condamné. Elle faisait un véritable effort pour