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LE VENTRE DE PARIS.

prochait quelquefois sa fortune, avec d’aigres plaisanteries qui l’émotionnaient, il était communiste.

— Il faudra faire table rase, disait Charvet de son ton bref, comme s’il eût donné un coup de hache. Le tronc est pourri, on doit l’abattre.

— Oui ! oui ! reprenait Logre, se mettant debout pour être plus grand, ébranlant la cloison sous les bonds de sa bosse. Tout sera fichu par terre, c’est moi qui vous le dis… Après, on verra.

Robine approuvait de la barbe. Son silence jouissait, quand les propositions devenaient tout à fait révolutionnaires. Ses yeux prenaient une grande douceur au mot de guillotine ; il les fermait à demi, comme s’il voyait la chose, et qu’elle l’eût attendri ; et, alors, il grattait légèrement son menton sur la pomme de sa canne, avec un sourd ronronnement de satisfaction.

— Cependant, disait à son tour Florent, dont la voix gardait un son lointain de tristesse, cependant si vous abattez l’arbre, il sera nécessaire de garder des semences… Je crois, au contraire, qu’il faut conserver l’arbre pour greffer sur lui la vie nouvelle… La révolution politique est faite, voyez-vous ; il faut aujourd’hui songer au travailleur, à l’ouvrier ; notre mouvement devra être tout social. Et je vous défie bien d’arrêter cette revendication du peuple. Le peuple est las, il veut sa part.

Ces paroles enthousiasmaient Alexandre. Il affirmait, avec sa bonne figure réjouie, que c’était vrai, que le peuple était las.

— Et nous voulons notre part, ajoutait Lacaille, d’un air plus menaçant. Toutes les révolutions, c’est pour les bourgeois. Il y en a assez, à la fin. À la première, ce sera pour nous.

Alors, on ne s’entendait plus. Gavard offrait de partager. Logre refusait, en jurant qu’il ne tenait pas à l’argent. Puis,