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LE VENTRE DE PARIS.

pêche fluviale en France se trouvait fort compromise. Un crieur, de mine blonde et chafouine, sans un geste, adjugeait d’une voix monotone des lots d’anguilles et d’écrevisses ; tandis que, le long des viviers, les compteurs-verseurs allaient, pêchant avec des filets à manches courts.

Cependant, la cohue augmentait autour des bureaux de vente. Monsieur Verlaque remplissait en toute conscience son rôle d’instructeur, s’ouvrant un passage à coups de coude, continuant à promener son successeur au plus épais des enchères. Les grandes revendeuses étaient là, paisibles, attendant les belles pièces, chargeant sur les épaules des porteurs les thons, les turbots, les saumons. À terre, les marchandes des rues se partageaient des mannes de harengs et de petites limandes, achetées en commun. Il y avait encore des bourgeois, quelques rentiers des quartiers lointains, venus à quatre heures du matin pour faire l’emplette d’un poisson frais, et qui finissaient par se laisser adjuger tout un lot énorme, quarante à cinquante francs de marée, qu’ils mettaient ensuite la journée entière à céder aux personnes de leurs connaissances. Des poussées enfonçaient brusquement des coins de foule. Une poissonnière trop serrée, se dégagea, les poings levés, le cou gonflé d’ordures. Puis, des murs compacts se formaient. Alors, Florent qui étouffait, déclara qu’il avait assez vu, qu’il avait compris.

Comme monsieur Verlaque l’aidait à se dégager, ils se trouvèrent face à face avec la belle Normande. Elle resta plantée devant eux ; et, de son air de reine :

— Est-ce que c’est bien décidé, monsieur Verlaque, vous nous quittez ?

— Oui, oui, répondit le petit homme. Je vais me reposer à la campagne, à Clamart. Il paraît que l’odeur du poisson me fait mal… Tenez, voici monsieur qui me remplace.

Il s’était tourné, en montrant Florent. La belle Normande fut suffoquée. Et comme Florent s’éloignait, il crut l’entendre