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jusque-là, elle avait tout dit. Lorsque celle-ci la questionnait, étonnée de sa joie, elle devenait très rouge, elle répondait que le printemps précoce la rendait joyeuse. Du matin au soir, elle bourdonnait, ainsi qu’une mouche ivre dés premiers soleils. Jamais les chasubles qu’elle brodait n’avaient flambé d’un tel resplendissement de soie et d’or. Les Hubert, souriants, la croyaient simplement bien portante. Sa gaieté montait à mesure que tombait le jour, elle chantait au lever de la lune, et quand l’heure était arrivée, elle s’accoudait au balcon, elle voyait l’ombre. Pendant tout le quartier, elle la trouva exacte à chaque rendez-vous, droite et muette, sans qu’elle en sût davantage, ignorante de l’être qui devait la produire. N’était-ce donc qu’une ombre, une apparence seulement, peut-être le saint disparu du vitrail, peut-être l’ange qui avait aimé Cécile autrefois, qui descendait l’aimer à son tour ? Cette pensée la rendait orgueilleuse, lui était très douce, comme une caresse venue de l’invisible. Puis, une impatience la prit de connaître, son attente recommença.

La lune, en son plein, éclairait le Clos-Marie. Quand elle était au zénith, les arbres, sous la lumière blanche qui tombait d’aplomb, n’avaient plus d’ombres, pareils à des fontaines ruisselantes de muettes clartés. Tout le champ s’en trouvait baigné, une onde lumineuse l’emplissait, d’une limpidité de cristal ; et l’éclat en était si pénétrant, qu’on