Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je l’attends, et il viendra.

— Mais elle a raison ! s’écria Hubert, soulevé lui aussi, emporté dans sa fièvre. Pourquoi la grondes-tu ?… Elle est assez belle pour qu’un roi nous la demande. Tout arrive.

Tristement, Hubertine leva sur lui ses beaux yeux de sagesse.

— Ne l’encourage donc pas à mal faire. Mieux que personne tu sais ce qu’il en coûte de céder à son cœur.

Il devint très pâle, de grosses larmes parurent au bord de ses paupières. Tout de suite, elle avait eu regret de la leçon, elle s’était levée pour lui prendre les mains. Mais, lui, se dégagea, répéta d’une voix bégayante :

— Non, non, j’ai eu tort. Tu entends, Angélique, il faut écouter ta mère. Nous sommes deux fous, elle seule est raisonnable… J’ai eu tort, j’ai eu tort…

Trop agité pour s’asseoir, laissant la chape qu’il venait de tendre, il s’occupa à coller une bannière, terminée et restée sur le métier. Après avoir pris le pot de colle de Flandre dans le bahut, il enduisit au pinceau l’envers de l’étoffe, ce qui consolidait la broderie. Ses lèvres avaient gardé un petit frisson, il ne parla plus.

Mais, si Angélique, obéissante, se taisait également, elle continuait tout bas, elle montait plus haut, plus haut encore, dans l’au-delà du désir ;